Sepeli

Malia, membre de notre communauté, a accepté de nous partager le témoignage de vie de son oncle, ici rédigé par le fils de ce grand homme de Dieu, avec l'accord de sa famille

Chers Futuniens, chères familles, chers amis, habitants de Nuelles
Vous avez connu papa ?
Alors il vous parlé de Dieu, n'est pas ?
Voici l'histoire d'un ouvrier de Dieu.


Papa est né à Futuna le 15 juin 1945, dans cette petite île tellement loin d'ici qu'il n'en existe pas de plus loin.
Ainé d'une famille royale, papa est un petit garçon craquant, le chouchou, le "Take" de ces dames.
Aux champs avec son grand père, à l'école avec les prêtres, papa est curieux de tout.
Un jour devant son frère Etuale, il a une sorte de rêve éveillé où Jésus et ses anges lui montrent Futuna…
Cette vision l'accompagnera toute sa vie.

Papa montre des aptitudes scolaires qui étonnent les enseignants :

  • à 8 ans il est envoyé dans une école Mariste à Wallis, ou il survit à beaucoup de choses : une épidémie, un cyclone, la faim et la maltraitance
  • à 15 ans il est envoyé au séminaire en Nouvelle Calédonie en ne connaissant que le futunien, le wallisien et le latin
  • à 21 ans après avoir survécu à la tuberculose, il est le premier Futunien à obtenir son bac
  • à 21 ans, non, il ne sera pas militaire car il tient trop à ses cheveux !

Papa arrivera en France en 1969 après un rebond en Nlle Zélande.
Fasciné par la connaissance qu’il trouve à portée de main, il la dévore sans retenue.
Avec Albert son ami Wallisien, ils seront les 1er futuniens/wallisiens à faire des études supérieures.

Papa ne se fait pas discret
- Grève de la faim
- Etudes sociologiques piquantes

Il rencontre Colette au cours d'une enquête : l'institutrice tombe sous son charme.
Ils ont une même soif d'absolu et de justice.
Sepeli et Colette se marient en 1973, ici même à Nuelles.

Papa n'est toujours pas discret
- Marxiste engagé
- Manifestant
- Intervention légendaire dans une cérémonie d'ordination, et rebelote à Noël

Il devient le 1er Futunien diplômé d'une maitrise.


Le 16 août 1975, c'est une révolution inattendue qui s'enclenche.
Voici la 1ère CHARNIERE de sa vie.

Une Bible avait été offerte à maman par un de ses élèves.
Cette Bible conduisit à la rencontre de Robert père de l'élève et Pasteur.
Mon père lui raconte son désir de développer l'économie de Futuna et d'abolir la religion, l'opium du peuple.
Il y a une chose que tu n'apporteras jamais, lui dit Robert, c’est l'absolu.
Ah ce fameux mot…

- Mais où est cet absolu ?
- C'est Dieu
- Celui-là je l'ai cherché depuis toujours, mais j'ai l'impression qu'il est bien là-haut et qu'il nous laisse, nous les hommes, nous débrouiller, qu'il n'a rien à faire des injustices du monde.
- Si tu veux le connaitre, il faut lire sa parole.
- Qu'est-ce que sa parole ?
- Sa parole c'est la Bible
- Je connais la Bible, c'est elle qui fait le plus de mal. Les catholiques sont venus avec la Bible, les protestants aussi, les témoins de Jehova se réclament de la Bible, chacun l'interprète comme il veut … où est la vérité ?
- La Bible ne s'interprète pas par des hommes. La Bible s'interprète par la Bible. Si tu veux la connaitre, il faut juste la lire. Demande directement à Dieu : "si c'est ta parole, c'est à toi de me faire comprendre."

Papa et maman ont donné leur cœur à Dieu le 16 aout 1975.
Papa venait d'entendre ce verset "arrête toi maintenant (de chercher tes ânesses), et je te ferai entendre la parole de Dieu"
Papa et maman obéirent ensemble :
"On ne savait pas comment prier. On s'est mis à genoux et récité le Notre Père. On l'avait fait des milliers des fois, mais cette fois-ci, c'est comme … une lumière te submerge, une joie te submerge. J'ai compris. D'un seul coup je comprenais tout. J'ai compris que tout ce que j'avais vécu, c'était pour m'amener à l'évangile, et que toute ma vie, Dieu m'avait préparé pour cet instant, mais aussi pour la mission"

Ce jour même, Dieu offrit à mon père sa première promesse lue dans la Bible :
"Ezéchiel 3.6 : Va trouver les exilés, les membres de ton peuple"
Papa garda précieusement et patiemment cela pour lui.


Les années qui suivirent, papa arrêta ses études de sociologie, fit une école Biblique, puis travailla à l'usine.
Ce fut pour lui un apprentissage de l'humilité, lui qui était fils de roi, ainé et diplômé.
Mais il le faisait avec joie et profitait de chaque instant pour lire la Bible.
Il grandissait dans sa foi et témoignait à chaque occasion.
Son témoignage en conduisit d'autres à la conversion et bientôt un groupe se constitua.
Des étudiants se joignirent.
Mes sœurs et mon frère naquirent.
Ce groupe devint une église de maison où l'on chantait, priait et étudiait la Bible avec spontanéité.
Enfin ce jour arriva, ce jour où Sefo, cousin et militaire futunien crut au salut simple offert par la Bible, sans contrepartie.
A leur tour Soele et Ile, eux aussi militaires futuniens, se convertirent.
L'église de maison était un lieu de partage où comme à l'époque des actes des apôtres les uns aidaient les autres.
Puis Soele et Ile furent contraint de rentrer à Futuna.
Le départ fut déchirant.
Mais la Bible avait été claire :
"Non rentre chez toi et raconte ce que le Seigneur a fait pour toi"
Papa ne fut donc pas le premier à raconter sa foi à toutes l'île, car le plan de Dieu, bien meilleur, était en marche.
Soele et Ile, jeunes convertis, marquèrent les futuniens par leur bienveillance et leur relation simple et directe avec Dieu, par leur vie saine, respectueuse des autres et de l'environnement.
Un an s'écoula.


Voici le 2ème moment charnière de sa vie

1985, 8ans après sa promesse
Papa reçoit cet ordre de la Bible:
"Retourne au pays de tes pères, et dans ton lieu de naissance, et je serais avec toi […] et je te bénirai"
Il en parle à sa femme, à l'église et à d'autres frères de foi présents à ce moment.
Papa sait aussi que cet appel doit être perçu par l'ensemble de l'Eglise, et il attend…
Le groupe interroge Dieu pendant plusieurs jours, et l'appel devient impératif
"[Maintenant] lève-toi sort de ce pays et retourne au pays de ta naissance"

Papa a peur car il doit tout quitter et le retour n'est ni financé ni planifiable.
Nous, ses enfants sommes encore jeunes mais nous l'encourageons et la Bible à nouveau apaise ses craintes.
Une église du sud-ouest nous appelle et offre l'aller/retour sur une durée de 2mois.
Papa compose le 06-dieu et la Bible répond : "Que ceci me soit accordé, laisse-moi libre pendant 2 mois"
Papa part et se laissa conduire par l'esprit.
L'œuvre était inarrêtable, et plusieurs ont été témoins de phénomènes difficiles à expliquer.
Ces deux mois furent le début d'un feu qui ne fit que croitre dans le Pacifique.
Les futuniens crurent avec simplicité et courage dans un environnement parfois hostile.
L'église qui naquit alors vécu une époque digne des premières églises, et ils furent bénis.
Les futuniens ici autour de vous pourront vous raconter cette histoire incroyable où une partie du peuple ouvrit son cœur à l'évangile et devint lui-même missionnaire jusqu'en nouvelle Calédonie et maintenant ici en France.

Dans les années qui suivirent papa était régulièrement renvoyé en mission.
Vous êtes de nombreux frères et sœurs en Christ à avoir participés ici à cette œuvre missionnaire.
J'ai vu vos dons arriver pile quand nous avions la conviction de son départ sans avoir acheté le billet, avec le montant exact.
Air-France ce souviendra de nos appels en période de Noël ou bizarrement une place était libre pour mon père.
Le PDG d'UTA se souviendra de la Bible que mon père lui a offerte…

Et puis arriva ce jour ou en plein cyclone, sous une tôle, mon père a une sorte de rêve où il perçoit sa famille lui demander de revenir urgemment.
Il ne comprend pas et ne veut pas laisser les futuniens en pleine lutte contre la tempête.
Mais ses frères et sœurs en Christ savent que le téléphone divin de mon père est plutôt précis, et ils lui conseillent de rentrer.
Arrivé en France, papa manque de perdre sa main, des suites d’une infection et passe son temps de convalescence avec mon petit frère qui décède quelques temps après.
Ce fut une période trouble, terrible même.
J'ai vu pour la première fois mon père affaiblit mais humain.
Certains ne comprirent pas pourquoi une telle épreuve était infligée à son serviteur.
La réponse appartient à Dieu.
Mon père resta fidèle à son ministère et entreprit la traduction de la Bible dans sa langue.
De nombreux chrétiens de France de Corse de Suisse et de Nlle Calédonie ont soutenu cette œuvre.
Tous les chrétiens de Futuna encourageaient mon père et firent des sacrifices qui resteront gravés dans nos souvenirs et dans le nom de mon fils.
Tous les chrétiens de Futuna participèrent à la relecture finale.
L'arrivée de la Bible en 2000 à Futuna fut un évènement sans précédent, médiatisé, source de nouvelles conversions.
C'était le premier livre écrit qui fixait la langue et c'était la parole de Dieu.
L'histoire de mon père est celle des futuniens.
Celle d'un peuple appelé à témoigner.

Les années qui suivirent furent celles de l'œuvre à Wallis puis de la Bible en Wallisien.
Les années qui suivirent furent celles de l'œuvre en Nouvelle Calédonie.
Les années qui suivirent furent celles de l'œuvre en France dans la communauté futunienne et maintenant au-delà.


Enfin, arrivera la dernière mission de mon père, celle dont il est le plus reconnaissant.
Quand papa s'est occupé de sa bien-aimée, notre maman, malade.
Après le départ de maman, c'est ici à Nuelles que Papa a repris des forces.
Il était paisible.
Vous l'auriez vu houppette et béret, refaire à l'infini ses murs de pierre sèche, se balader avec un sécateur, jardiner, verser une larme sur les films de Noël, discuter avec passion sur la Bible, rire avec les futuniens, papoter avec les passants, fabriquer la cabane d'Emma et Salomé, prendre un café avec ses voisins, Marie-Claire et Warny
Papa aimait les choses simples et l'authenticité.
Jusqu'au dernier moment, il a témoigné et prié pour vous, pour nous, pour sa voisine, pour cette infirmière qui venait l'interroger certains matins.
Il nous a laissé une belle leçon de vie et de foi.
Papa est parti serein, prêt.


Comment conclure autrement qu'il ne l'aurait fait lui-même.
[Annoncer l'évangile]